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CHRONIQUE DU MAMBA VERT ET MÊME DU MAMBA NOIR
CRONICA DE LA MAMBA VERDE Y HASTA DE LA MAMBA NEGRA
Forme répugnante du serpent. - Il se prolonge au-delà de lui-même. - Poids du boa. - Sommeil du même. - Couleur. - Orfèvrerie. - Pavage de mosaïque. - Griffe sous la queue. - Vipères heurtantes. - Capuchons et sonnettes. - Le mamba de Mme Physalis. - Affreux détails. - Savants réfugiés sur une table. - Réparation de la chaise. - Longueur des serpents morts et longueur des serpents vivants. - Légende et vérité. - Rien à craindre pour l'homme des serpents de neuf mètres de long. - Il n'est qu'avalé " en tiroirs " par des serpents de huit mètres cinquante. - Très posément. - Grandeur consécutive d'Allah.

Cette chronique traitant de l'homme d'une façon générale, ne saurait s'abstenir de parler du serpent.
Il n'y a pas de bête plus dégoûtante. Elle est faite en forme de lacet. On peut l'enrouler sur des bobines. Comme les verres de Sumatra, qui ont dix mètres de long. En forme de lacet tubulaire, de conduite d'eau, mais plus mince à mesure qu'on approche de la tête, et encore plus à mesure qu'on approche de la queue. Ce n'est pas le moins répugnant de la chose. Et puis au bout il n'y a plus rien du tout. Du moins pour l'œil (car l'imagination travaille). Il continue au-delà de lui-même. Il se prolonge.
Plus ils sont gros, plus ils sont léthargiques. Deux cents kilos de serpent qui somnolent sur une chaise sont une chose effrayante à voir. C'est pourtant pavé de mosaïque, incrusté de noir, d'ocre, de brique, de rose, de vert, de jaune citron, de polygones décoratifs, d'un fini presque industriel, et pareil à de la bijouterie. Et plus c'est beau, plus ça dégoûte. Il y a pire : c'est l'œuf du serpent ; vert ; avec une peau transparente.
Je parlais de fini industriel. Il n'y a pas de bête qui se rapproche plus de l'épure, de la spirale, de la circonférence, de l'ellipse, et de toutes les courbes qui se dessinent à l'aide d'un compas, d'un pistolet, sur une feuille de Canson. On pense aussi au nœud de cravate, à la mèche de fouet. A la vitrine du joaillier.
C'est désossé et c'est musclé comme la femme-serpent. Et le comble de l'horreur, c'est que c'est gras. Il en est même qui en mangent. A Paris on vend en boîte, dans les épiceries distinguées. Et puis, c'est froid. Et puis, c'est vert et ça sent mauvais, dans un genre à part, plus écœurant que la cage à poules.

On trouve des gens que ça ne dégoûte pas. J'ai un neveu qui en transporte dans ses poches, ou dans des tubes. Des collégiens en élèvent parfois dans leurs pupitres.
Les gros ont une griffe sous la queue. Pour prendre appui sur les troncs d'arbres. Ceux qui les manipulent les portent en foulard. Quand ils ont peur qu'ils serrent, ils les pinces sous la queue, à la hauteur de cette griffe. Ce qui paralyse la bestiole.

On va nous en montrer à la télévision. Qui viennent du Tchad. De sept mètres de long, des pythons de Séba ; et puis toutes sortes de petites vipères, à tête cornue, des " rhinocéros ", des " vipères heurtantes du Gabon ", qui vivent dans la saleté, aux abords des villages. Des mambas noirs, des mambas verts, qui sont pareils à des cobras sans capuchons (ce sont les plus rapides du monde).
Car il y a des serpents qui se font un capuchon en distendant leurs premières côtes (on voit bien que ce n'est pas naturel) ; d'autres qui ont des sonnettes, des lunettes ou des cornes. Il y en a qui crachent leur venin, qui vous le vaporisent dans les yeux. A trois mètres ; et ils visent les yeux : on risque d'en rester aveugle. D'autres qui voient avec la peau des joues : ils attrapent des rats dans la nuits, les yeux fermés au sparadrap, guidés par la température.

M. Leloup, qui connaît toutes les bêtes, et qui en parle très bien parce qu'il les aime beaucoup (ses articles sont passionnants) en a fait toute une page dans le dernier Carrefour. Il raconte une histoire d'horreur qui aurait fourni une image au Supplément du Petit Journal. L'histoire d'un mamba noir (affreusement venimeux) qu'on avait envoyé à Mme Physalix, la célèbre herpétologiste (c'est ainsi qu'on appelle les savants en serpents), dans une caisse sans mention spéciale. Elle crut à quelque kangourou, à un canard, à un lapin, à un hareng saur, à un cobaye ou à un petit cheval de course. Quand le bestiau jaillit en sifflant. Fou de rage. Elle sauta sur la table. Les quatre savants qui l'assistaient en firent autant. Leurs cheveux se dressaient sur leur tête. Le plus barbu caressait sa barbe dans l'excès de sa perplexité. Le mamba zigzaguait comme une lanière de fouet à travers le laboratoire. Le savant barbu saisit une chaise et l'assomma d'un coup de dossier. Ensuite il le mit dans une cage. Ensuite, ils s'essuyèrent le front. Ensuite, ils réparèrent la chaise.

On voit par là les dangers du serpent.
M. Leloup, pourtant, cherche à nous rassurer. Il assure que le python de Séba est un animal réservé, un grand timide qui a peur de l'homme et ne le mord jamais plus fort que le chien danois. Qu'il n'y a pas de serpents de neuf mètres. Du moins vivants. Que c'est une légende. Que le plus long est le " réticulé " asiatique qui n'a guère que huit mètres trente-cinq. Que la Société zoologique de New York offre cinq mille dollars à qui lui apportera un serpent de neuf mètres de long. " Vivant. " Je ne sais pourquoi " vivant ". S'il y a des serpents morts de neuf mètres de long, avaient-ils moins avant de mourir ? Ont-ils allongé par la suite ? Peut-être. Les cadavres allongent. Et c'est pourquoi on ne fait de chaussures et de sacs à main qu'en serpent mort : la peau ne bouge plus, et elle revient moins cher. Jamais on ne voit de chaussures en peau de serpent vivant. Je me méfie malgré tout. S'il y a des serpents morts de douze mètres de long, ils pourraient bien en avoir dix pendant leur vie, je n'aimerais pas les rencontrer seul au coin d'une forêt de l'Amazonie.

En outre, ajoute M. Leloup, de plus en plus rassurant dans ses explications, jamais serpent n'a broyé l'homme : c'est un on-dit. Les pires pythons n'ont jamais " broyé " l'homme pour l'avaler " après l'avoir enduit de leur bave ". Autant de racontars ridicules. Les " constrictors " ne broient rien du tout. Ils " entourent ", ils " étouffent ", et il " arrêtent le cœur " avant d'avaler " posément " et " en commençant par la tête ", par un mouvement alternatif de leurs mâchoires, qui ne sont jamais soudées ensemble. Par un mouvement dit " en tiroirs ". Voilà ce qui est vrai.
Nous ne risquons plus d'être broyés par des serpents de neuf mètres de long, mais avalés tout simplement, très posément, par des serpents de huit mètres cinquante.

Et c'est ainsi qu'Allah est grand.



 
Forma repugnante de la serpiente. - Se prolonga más allá de sí misma. - Peso de la boa. - Su dormir. - Color. - Platería. - Empedrado de mosaico. - Garras bajo la cola. - Víboras peleadoras. - Capuchones y cascabeles. - La mamba de la señora Physalix. - Horrorosos detalles. - Científicos refugiados encima de la mesa. - Reparación de la silla.- Longitud de las serpientes muertas y longitud de las serpientes vivas. - Leyenda y verdad. El hombre no tiene nada que temer de las serpientes de nueve metros de largo. - Sólo es tragado en " corredera " por serpientes de ocho metros cincuenta. - muy pausadamente. - Grandeza consecutiva de Alá.


Esta crónica, que trata del hombre de un modo general, no sabría evitar hablar de la serpiente.
No hay animal más asqueroso. Tiene forma de cordón. Se puede arrollar en carretes. Como los gusanos de Sumatra, que miden diez metros de largo. En forma de cordón tubular, de cañería de agua, pero más finas a medida que uno se acerca de la cabeza, y todavía más a medida que uno se acerca de la cola. No es lo que menos repugna de la cosa. Y luego en la punta ya no hay nada más. Al menos para el ojo (porque la imaginación trabaja). Sigue más allá de sí misma. Se prolonga.
Cuanto más gordas, más letárgicas. Es horroroso ver doscientos kilos de serpientes que dormitan sobre una silla. Sin embargo está empedrada de mosaico, incrustada de negro, de ocre, de ladrillo, de rosa, de verde, de amarillo limón, de polígonos decorativos, con una perfección casi industrial, e idéntica a joyas. Y cuanto más bonita es, más asco da. Hay algo peor : es el huevo de la serpiente ; verde, con una piel transparente.
Hablaba de una perfección industrial. No hay animal que se parezca más a un dibujo acabado, a una espiral, a una circunferencia, a un elipse, y a todas las curvas que se dibujan con un compás, con una plantilla, sobre una hoja de papel Canson. También se puede pensar en el nudo de la corbata, en la fusta del látigo. En el escaparate del joyero. Es deshuesada y musculosa como la mujer-serpiente. Y el colmo del horror, es que es grasienta. Hasta hay gente que las come. En París, éstas se venden en botes, en los ultramarinos. Y además es fría. Y es verde y huele mal, de una manera muy particular, más repugnante que el gallinero.

Hay gente a quien no le da asco la serpiente. Tengo un sobrino que lleva unas en los bolsillos, o metidas en tubos. Ciertos colegiales crian a veces algunas en sus pupitres.
Las gordas tienen una garra bajo la cola. Para apoyarse en los troncos de los árboles. Los que las manipulan las llevan a modo de pañuelo. Cuando tienen miedo a que les aprieten, las pellizcan bajo la cola, a la altura de esta garra. Lo que paraliza el bicho.

La televisión nos va a mostrar algunas. Que vienen del Tchad. De siete metros de largo, pitones de Seba ; y también toda clase de pequeñas víboras, con la cabeza cornuda, " rinocerontes", " víboras peleadoras del Gabón ", que viven en la suciedad, en las inmediaciones de los pueblos. Mambas negras, mambas verdes, que son semejantes a las cobra sin capuchones (son las más rápidas del mundo).
Porque hay serpientes que se hacen un capuchón distendiendo sus primeras costillas (bien notamos que no es natural) ; otras que tienen cascabeles, placas o cuernos. Las hay que escupen su veneno, que os lo vaporiza en los ojos. A tres metros ; y apuntan a los ojos : puede que nos quedemos ciegos. Otras que ven con la piel de los carrillos : cogen ratas por la noche, con los ojos cerrados con esparadrapo, guiadas por la temperatura.

El Señor Leloup, que conoce todos los animales, y que habla muy bien de ellos porque los quiere mucho (sus artículos son apasionantes), escribió sobre ellas una página entera en el último Carrefour . Cuenta una historia de horror que hubiese proporcionado una imagen magnífica al Suplemento del Petit Journal. La historia de una mamba negra (horriblemente venenosa) que habían enviado a la Señora de Physalix, la famosa herpetóloga (así es como se llama a los científicos en serpientes), en una caja sin indicación especial. Creyó en algún canguro, en un pato, en un conejo, en un arenque ahumado, en un conejillo de indios o en un caballito de carreras. Cuando el bicho saltó silbando. Enfurecido. Saltó encima de la mesa. Los cuatro científicos que la asistían hicieron lomismo. Se les pusieron los pelos de punta. El más barbudo acariciaba sus barbas por su exceso de perplejidad. La mamba zigzagueaba como una correa de látigo a través del laboratorio. El científico barbudo agarró una silla y la golpeo con el respaldo. Luego la puso en una jaula. Luego, se enjugaron la frente. Luego, arreglaron la silla.

Son de notar los peligros de la serpiente. Sin embargo, el Señor Leloup procura tranquilizarnos. Asegura que la pitón de Seba es un animal reservado, una gran tímida que teme al hombre y que nunca lo muerde más fuerte que el perro danés. Que no hay serpientes de nueve metros. Por lo menos vivas. Que es una leyenda. Que la más larga es la " reticulada " asiática que mide apenas ocho metros treinta y cinco. Que la Sociedad zoológica de Nueva York ofrece cinco mil dólares a quien le traiga una serpiente de nueve metros de largo. " Viva ". No sé por qué " viva ". Si hay serpientes muertas de nueve metros de largo, medían menos antes de morir ? Los cadáveres se alargan. Y por eso sólo se hacen zapatos y bolsos con serpientas muertas : la piel ya no se mueve, y sale más barata. Nunca se ven zapatos de piel de serpiente viva. Ando con cuidado a pesar de todo. Si hay serpientes muertas de doce metros de largo, bien podrían tener diez durante su vida, no me gustaría encontrármelas a solas en la esquina de una selva de la Amazonia.

Además, añade el Señor Leloup, y sus explicaciones son cada vez más tranquilizantes, la serpiente nunca ha triturado al hombre : es una habladuría. Las peores pitones nunca han " triturado " el hombre para tragarlo " después haberlo recubierto de su baba ". Otro tanto de chismes ridículos. Las " constrictors " no trituran nada. " Rodean "," ahogan ", y " paran el corazón "antes de tragar " pausadamente " y " comenzando por la cabeza ", por un movimiento alternativo de sus mandíbulas, que nunca se encuentran soldadas juntas. Con un movimiento llamado " corredera ". Esto es lo verdadero.
Ya no corremos peligro de ser triturados por serpientes de nueve metros de largo, sino tragados muy pausadamente, nada menos que por serpientes de ocho metros cincuenta. Y así es como Alá es grande.