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LES OISEAUX
LAS AVES
Mœurs de l'uburu. - De L'agami. - Du gypaète. - Peut-être du rhinocéros. - Férocité de la poule. - Du moineau. - Du pigeon. - Les oiseaux de Hitchcock. - Férocité des mouettes. - Histoire surnaturelle ratée. - Portrait bien beau d'une ornithologiste. - Grandeur consécutive d'Allah.


L'oiseau a quelque chose d'étrange. Il fait des choses extraordinaires : l'urubu nettoie les poubelles, l'agami surveille les poulets, le gypaète est barbu, l'albatros pond des œufs, la huppe papale, le héron gargouille, le milan huite et le rhinocéros barète (encore n'est-ce pas un véritable oiseau). Tout cela finit par inquiéter. Il n'y a d'ailleurs qu'à regarder une simple poule, disons une poule noire à l'œil jaune, pour finir par être terrifié. Voyez-la picorer un ver, un serpent, ou une autre poule (une poule malade que toute la confrérie se met froidement à assassiner). Elle pique d'un geste mécanique et saccadé ; on dirait une machine à coudre ; ou alors un monstre tertiaire ; nulle expression ; le marteau-piqueur a plus d'entrailles ; l'éléphant paraît moins ancien, les hybrides de Bosch moins bizarres ; c'est une bête de l'Apocalypse. La poule est un monstre effrayant. La cigogne exécute les faibles et mange parfois ses cigogneaux ; la pie est voleuse de naissance ; le perroquet se saoule au vin rouge ; comme un charretier ; le pigeon, symbole de la paix, qu'on donne pour si fidèle, bat son épouse comme plâtre pour lui faire accepter une affreuse concubine qui a traîné dans tous les ruisseaux : il détraque les horloges en se posant sur l'aiguille et fait caca dans l'engrenage, si bien qu'on ne peut plus savoir l'heure par aucun monument de Paris. Le faisan est dur comme du bois ; il faut le laisser presque pourrir pour arriver à lui manger la cuisse. Le moineau assassine le pinson à seule fin de lui voler son nid ; partout où il s'installe les autres races disparaissent. Les Américains, qui n'en ont que parce qu'ils en on fait venir d'ailleurs par lyrisme zoologique, ne savent comment faire pour les exterminer. Les Chinois, dont l'agriculture éprouve de grandes difficultés, voient les trois grains de riz qui leur restent mangés sur pied par les oiseaux pillards ; ils organisent de grands vacarmes de casseroles en fer et de boîtes à lait pourles empêcher de se poser et les avoir par fatigue. Les oiseaux finissent par tomber. Morts d'épuisement. Ou s'ils leur reste encore un souffle on les écrase. Mais il faut des jours, des semaines, des nuits, des mois : ne jamais dormir ; former des équipes cohérentes ; tenir des listes à jour ; en double ; sur deux colonnes ; en caractère chinois ! Les casseroles se cabossent, le pot au lait se désémaille ; la mère de famille est furieuse ; les enfants sont giflés, les grands-pères malheureux ; le plan quinquennal tombe en poussière ; on ne peut plus bombarder Formose qu'une fois sur trois. A New York, même histoire, mais avec les pigeons ; on a tout essayé : le poison, le filet de ficelle, le fil de fer électrisé ; on va prendre des tireurs d'élite. On en est là.
Aussi n'est-il pas étonnant qu'Hitchcock ait eu l'idée de son film sur les oiseaux. Il imagine que ces bêtes féroces ont déclaré la guerre aux hommes. Les mouettes assaillent un petit port, tuent des fillettes et assassinent l'institutrice ; font le siège d'une maison de bois dont elles crèvent les murailles ; entrent par les cheminées ; provoquent des incendies. Le pétrole flambe. La ville est coupée. On a un petit Hiroshima. C'est un prétexte à photos magnifiques. Mais on ne croit pas trop à l'histoire, qui prendrait une autre dimension si on parvenait à vibrer, si on se sentait mis en présence d'un nouvel âge de la planète au cours duquel les animaux vont changer d'âme. Ce serait alors du grand frisson ; le mystère effrayant d'une aventure cosmique. Hitchcock voudrait la suggérer. Dès le début, le ton des personnages veut donner à penser qu'il se passe " quelque chose ". Mais c'est en vain que le jeune premier annonce qu' " il reste du rosbif froid " comme une pythonisse inspirée, comme si c'était une prophétie lugubre. On ne marche pas.
En revanche les photos d'oiseaux, par vols de groupe, ou isolés, sont remarquables et parfois inquiétantes. L'oiseau posé tout seul, qui regarde entrer un homme dans sa maison d'un œil de guetteur d'avant-poste, et auquel s'adjoignent soudain deux, dix, vingt, cent, mille congénères, tous immobiles, finit par donner un frisson.

Histoire naturelle réussie. Histoire surnaturelle ratée. Le film ne valait pas tant de réclame. Il s'y prodigue, m'assurent des connaisseurs, des tours de force de technique. C'est bien possible. Mais je n'aimerais pas mieux La Fontaine s'il s'y était pris de telle façon qu'on puisse lire ses fables à l'envers.

Je n'en veux pas à Hitchcock. Il y a dans ses Oiseaux une vieille savante inénarrable, qui ressemble un peu à Moreno, pris sur le vif et d'un comique grandiose à force de n'être pas forcé. Elle distingue le pinson de la mouette par le moyen de leurs noms latins, extrait ses cigarettes d'un appareil à sous et reste, comme un vrai savant, fidèle aux conclusions des livres en face des tragédies voyantes qui les contredisent sous ses yeux. C'est une vraie ornithologiste. Il n'y a qu'à l'écouter parler pour imaginer sa crémerie, son bureau, sa chambre à coucher, ses dimanches et ses camarades. Son petit béret lui va très bien, tout comme son menton en galoche.
On n'est pas plus ornithologique.
Et c'est ainsi qu'Allah est grand.





 
Hábitos del urubú. - Del agamí. - Del quebrantahuesos. - Tal vez del rinoceronte. - Ferocidad de la gallina. - Del gorrión. - De la paloma. - Los pájaros de Hitchcock. - Ferocidad de las gaviotas. - Historia sobrenatural fallada. - Retrato bien bonito de una ornitóloga. - Grandeza consecutiva de Alá.

El ave tiene algo extraño. Hace cosas extraordinarias : el urubú vacía las basuras, el agamí vigila los pollos, el quebrantahuesos es barbudo, el albatros pone huevos, la abubilla upupa, la garza hace gorgoteos, el milano huite y el rinoceronte barrita (aunque no es un verdadero pájaro).Todo esto acaba por inquietar. Por otra parte, basta con mirar una simple gallina, digamos una gallina negra de ojo amarillo, para acabar aterrado. Véanla picotear un gusano, una serpiente, u otra gallina (una gallina enferma que toda la cofradía asesina a sangre fría). Pica con un gesto mecánico y nervioso ; parece una máquina de coser ; o sino un monstruo terciario ; ninguna expresión ; el martillo neumático tiene más entrañas ; el elefante parece menos antiguo ; los híbridos de Bosch menos raros ; es una bestia del Apocalipsis. La gallina es un monstruo horroroso. La cigüeña ejecuta a los débiles y a veces come a sus cigoñinos ; la urruca es una ladrona desde su nacimiento ; el loro se emborracha con vino tinto ; como un carretero ; la paloma, símbolo de la paz, que suponemos tan fiel, muele a palos a su esposa para hacerle aceptar a una horrible concubina que pendoneó por todos los arroyos : descompone los relojes al posarse en la aguja y hace caca en el engrenaje, de tal modo que ya no se puede saber la hora por ningún monumento de París. El faisán es más duro que la piedra ; casi hay que dejarlo podrirse para conseguir comerle el muslo. El gorrión asesina el pinzón con el único fin de robarle su nido ; en cualquier parte que se instala, las demás razas desaparecen. Los americanos, que tienen pinzones sólo porque los mandaron traer de otra parte, por lirismo zoológico, no saben lo que tienen que hacer para exterminarlos. Los chinos, cuya agricultura sufre grandes dificultades, ven las aves de rapiña comerles en pie los tres granos de arroz que les quedan ; ellos arman una escandalera con cazos de metal y botes de leche para impedirles que se posen y así vencerlas por cansancio. Las aves acaban calléndose. Muertas de cansancio. O si todavía les queda aliento, las aplastan. Pero hacen falta días, semanas, noches enteras, meses : no dormir nunca ; formar equipos coherentes ; elaborar listas que estén al día, por duplicado, en dos columnas ; ¡ en caracteres chinos ! Los cazos se abollan, los botes de leche se desesmaltan ; la madre de familia está furiosa ; abofetea a los niños ; los abuelos infelices ; el plan quinquenal se va al traste ; ya sólo se puede bombardear Formosa una de cada tres veces. En Nueva York, ocurre lo mismo, pero con palomas ; se ha intentado todo : el veneno, la red, el alambre electrizado ; van a contratar tiradores de primera. Esto es lo que hay.
Después de todo, no es sorprendente que Hitchcock haya tenido la idea de su película sobre los pájaros. Imagina que esos animales ferroces han declarado la guerra a los hombres. Las gaviotas asaltan un pequeño puerto, matan a chiquillas y asesinan a la maestra ; ocupan un chalet del que revientan las murallas ; entran por las chimeneas ; provocan incendios. El petróleo arde, la ciudad está desconectada. Vemos un pequeño Hiroshima. Es un pretexto para fotos magníficas. Pero la historia no es muy credible, y tomaría otro sentido si consiguiéramos vibrar, si nos sintiéramos en presencia de una nueva época del planeta, durante la cual los animales van a cambiar de alma. Sería entonces espantosa ; el misterio pavoroso de una aventura cósmica. Hitchcock querría sugerirla. Desde el principio, el tono de los personajes insinúa que está pasando " algo ". Pero el joven galán declara en vano que queda " redondo de carne fría " como una pitonisa inspirada, como si fuese una profecía lúgubre. No nos lo creemos.
En cambio, las fotos de los pájaros volando por bandada o aislados, son extraordinarias y a veces inquietantes. El pájaro que se tiene inmóvil, mirando a un hombre entrar a su casa, con un ojo acechador de avanzada, y al cual se agregan dos, diez, veinte, cien, mil congéneros, todos inmóviles, acaba dando escalofríos.

Historia natural lograda. Historia sobrenatural fallada. La película no merecía tanta propaganda. Se prodiga a ello, me aseguran conocedores, por unas proezas técnicas. Es muy posible. Pero no me gustaría más La Fontaine si hubiese actuado de tal manera que se pudiesen leer sus fábulas al revés.

No tengo nada contra Hitchcock. En sus Pájaros está presente una vieja sabia inenarrable, que se parece un poco a Moreno, reproducida del natural y con un cómico enorme a fuerza de no ser forzada. Distingue el pinzón de la gaviota por el medio de sus nombres latinos, extrae sus cigarrillos de un tragaperras y se queda, como un verdadero sabio, fiel a las conclusiones de los libros frente a las tragedias videntes que las contradicen ante sus ojos. Es una verdadera ornitóloga. Basta escucharla hablar para imaginarse su lechería, su despacho, su habitación, sus domingos y sus compañeros. Su pequeña boina le queda muy bien, al igual que su barbilla prominente.
Nadie es más ornitólogo.
Así es como Alá es grande.